Roman: Meurtre à Dunkerque "Sous l'oeil de Jean Bart" Chapitre 17 (Roger Constantin & Krystel)
- Par christian62
- Le 03/05/2020
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Photo d'illustration: Hôtel de Ville de Dunkerque.
Roger Constantin & Krystel
Meurtre à Dunkerque
"Sous l’œil de Jean Bart"
Résumé
Dunkerque, 27 août 2014, Place Jean Bart.
Yorick Leroy découvre son épouse Eva, morte dans la salle de bains, la veille de leur dixième anniversaire de mariage.
Accident ou suicide?
Persuadé qu'il s'agit d'un crime, le commissaire Magnac ouvre une enquête. Les mensonges s'accumulent chez les antagonistes. Yorick mène une double-vie avec Petra son ambitieuse maîtresse. David son meilleur ami ment aussi.
Et même la caissière du supermarché!
Mais qu'ont-ils de si important à cacher?
Et si Jean Bart avait tout vu depuis son piédestal?
Dunkerque : Jean Bart
Cette oeuvre est une pure fiction.
Toute ressemblance avec des faits et des personnes existants ou ayant existés ne serait que fortuite et involontaire.
Chapitre 17
À leur retour à l’hôtel de police, Richard emmena Justine dans son bureau pour délibérer sur la manière stratégique à employer pour interroger David Vermeulen et sa compagne.
—Si on s’occupait d’abord de la petite, suggéra le chef, car à part son mensonge, je crois qu’elle n’est pas liée à notre affaire. Je pense qu’elle est tout simplement entrée dans la vie de David Vermeulen au mauvais moment, par un grand coup du hasard !
—Hum... oui, tu as raison et c’est une bonne idée de commencer par elle. Tout à l’heure, en sortant de la chambre, elle m’a dit travailler cet après-midi. Cela lui évitera des explications gênantes au boulot. Et pour Vermeulen on fait comment ?
—On fait comme on a dit, on l’accuse ! À lui de se défendre. Bon, pendant que tu t’occupes de faire parvenir la seringue et les flacons à la scientifique, je vais voir Levert.
Le brigadier Levert n’avait pas d’informations supplémentaires à communiquer concernant le passé de Petra Keller. Par contre, il avait reçu des nouvelles du mari de la victime. Il s’était enfin présenté aux pompes funèbres ce matin pour avoir plus de détails sur l’inhumation et avait été étonné d’apprendre que le corps était toujours chez le légiste.
—Ils pourront récupérer le corps en fin de journée. C’est confirmé et d’après les services funèbres, l’enterrement devrait avoir lieu mercredi à 15 heures. À propos, le juge a appelé ! Il est impatient de connaître les résultats de la perquisition. Il trouve que vous poussez le bouchon un peu trop loin dans cette enquête ! « Tout ce ramdam pour une simple mort naturelle », a-t-il grogné.
—Téléphonez-lui et dites que l'on a tiré le gros lot. Cela le calmera !
—Merci commissaire, c’est moi qui vais prendre les engueulades à votre place...
—Parce que vous croyez qu’il va se gêner avec moi sans doute ? Chaque fois que j’ai une enquête, j’ai des prises de bec avec lui. Il me traite de maniaque !
—Mais... c’est votre nom commissaire !
—Oh ! Merci d’en rajouter une couche brigadier ! J’adore votre humour !
Il était pratiquement midi quand l’inspecteur Martin revint du Quai des Jardins, mais il n’avait rien d’anormal à signaler. Afin de pouvoir libérer rapidement Élodie Morel, malgré ses antécédents judiciaires ne jouant pas en sa faveur, Richard avait commencé l’interrogatoire, assisté de son inséparable lieutenante Devos.
Élodie leur apprit qu’elle avait fait la rencontre de David mercredi dernier, au Carrefour de Saint- Pol-sur-Mer. Il lui avait sorti le grand jeu à la caisse. « Le baratin du dragueur né », disait-elle. Mais il était si craquant et si convaincant qu’elle s’était laissé séduire et avait accepté son invitation dès le lendemain. Quand elle avait contacté David par téléphone, elle avait été étonnée de son identité, croyant avoir un Yorick Leroy au bout du fil ! Son beau séducteur si efficace soit-il, avait oublié le principal : décliner son identité. Sur le coup elle avait pensé qu’elle l’avait troublé au point de faire impasse aux bonnes manières puis, laissant ressurgir en elle ses anciens fantasmes de truands, elle en déduisit ensuite qu’il pouvait être un escroc. C’est pour cette raison qu’elle avait menti à la police, dans le but de le couvrir. Elle déclara également qu’elle n’était pas au courant pour les bouteilles dans l’appartement, quand on l’avait interrogée samedi, au boulot.
Puis, sous la demande pressante de Richard, qui avait été surpris de son idiote réflexion du matin, elle se vit également rendre des comptes sur son soi-disant « rêve d’adolescente » qu’il ne comprenait pas très bien. À part le fait de s’être accoquinée avec David et d’être dans l’appartement au moment la perquisition, la jeune Élodie Morel n’avait rien à se reprocher. Richard la relâcha donc. Avant de quitter le commissariat, elle s’inquiéta pour l’avenir de David.
—Vous allez garder David encore longtemps ? Dites- moi qu’il n’a rien à voir avec la mort de cette femme ! Et même si vous me le disiez, je ne vous croirais pas. David est le plus doux des hommes que je connaisse commissaire. Il est plein de tendresse et d’attentions ! Il ne ferait même pas mal à une mouche ! Alors ? Allez-vous me le rendre très vite ?
Le regard de chien battu de la jeune femme fit tressaillir le cœur de Richard dans sa poitrine, cependant rien ne le détournerait de l’objectif qu’il s’était fixé. Il s’arma de tout son courage pour ne pas faiblir :
—Tout dépend de lui ! Pour le reste c’est à nous de voir. Au revoir mademoiselle, la lieutenante va vous raccompagner.
C’était dur d’agir aussi rudement avec une personne aussi sincère alors, pour se remonter le moral, Richard se prit un café au distributeur et se rendit au réfectoire pour avaler un sandwich au jambon. Justine et d’autres collègues marquèrent également une pause de midi bien méritée.
—Où l’interroge-t-on, dans le local ou dans votre bureau ? Lui demanda Justine, la bouche pleine.
—Il a coopéré pour les bouteilles tout à l’heure, disons que mon bureau c’est plus sympa ! Lui répondit-il entre deux bouchées.
Une demi-heure plus tard l’interrogatoire commença. Richard s’assit à sa place habituelle pour attendre l’arrivée de Justine Devos et du suspect. Elle le pria de s’asseoir face au commissaire et tira une chaise jusqu’au côté du bureau pour s’y asseoir à califourchon. Très concentrée et attentive, elle croisa les bras sur le dossier, sa position préférée. Plongé dans un rapport, un stylo mordillé entre les dents, le commissaire Magnac laissa planer un silence de mort pendant quelques instants. D’une manière surprenante, il avait décidé d’attaquer David Vermeulen comme le coupable présumé. Justine ne s’attendait pas non plus à sa tournure de phrase inattendue, mais ne fut pas déstabilisée, toujours en osmose avec son partenaire de travail.
—Pauvre Élodie Morel ! Elle s’est bien éprise de vous depuis votre visite au Carrefour de mercredi dernier. Il y a plein d’amour dans ses yeux quand elle parle de vous.
—Pour sûr, appuya la complice Justine, ce n'est vraiment pas de chance pour elle ! Elle tombe amoureuse et pan ! Son homme se fait coffrer !
Richard dodelina de la tête de dépit. Pour masquer la satisfaction qu’il tirait de son improvisation quasi théâtrale, il et se pinça les lèvres avant de poursuivre :
—Vous avez raison chère collègue ! Avoir le coup de foudre pour un homme qui va passer ses prochaines années derrière les barreaux, ce n'est pas de bol, effectivement !
David Vermeulen s’affola à l’écoute de ces propos à son encontre. Une blancheur cadavérique peignit son visage et une sueur froide envahit tout son corps. Son regard, rempli de détresse et d’incompréhension, fixait un point imaginaire sur le mur derrière Richard. Justine, la tête posée sur la paume de sa main gauche, ne lâchait pas le malheureux des yeux.
—Monsieur Vermeulen, vous nous avez menti ! Se fâcha faussement le grand Magnac, avouez que vous avez tué Éva Lambert, l’épouse de Yorick Leroy !
Le poing catégorique de Richard avait atterri sur le bois lustré de son bureau, telle une sentence.
—Mais non... non commissaire, je vous le jure !
David, ayant perdu tout espoir de sortir de cet enfer, commença à trembler. Les yeux mouillés, des trémolos dans la voix, David tenta le tout pour le tout pour se défendre.
—Je n’aurai jamais fait une chose pareille. À quiconque d’ailleurs! Je ne suis pas un assassin! Vous... vous... vous me disiez que c’était... probablement un suicide !
—Avec une fiole de cyanure, une autre contenant un liquide inodore et incolore dont nous ne connaissons pas la composition pour le moment et une seringue... nous voilà bien armés de pièces à conviction qui prouvent que c’est un meurtre et non un suicide !
—Mais... mais qu'est-ce que c’est que cette histoire commissaire ! Je n’ai jamais utilisé de trucs pareils ! C’est une machination montée contre moi! Ce n’est pas possible autrement !
—À vous de nous prouver le contraire ! Mais... ce sera difficile. Tout vous accable !
David rassembla tout son courage pour se défendre. Il se savait innocent. L’indignation faisant place à la peur, il haussa le ton pour répondre :
—Pardonnez-moi commissaire, mais là vous faites fausse route !
Justine prit le relais. Le regard de David se tourna enfin vers elle. Sa beauté calma son courroux.
—Vous dites que vous avez quitté Yorick rue de La Cunette et qu’il se rendait à Bergues. Quelle heure était-il monsieur Vermeulen ?
—17h45 environ... je n’ai pas regardé ma montre à ce moment-là.
—Comment expliquez-vous que Yorick Leroy nous ait téléphoné depuis son appartement, dix minutes plus tard, alors qu’il se rendait à Bergues ?
—Il a peut-être fait demi-tour... changé d’avis... eut un problème, je ne sais pas moi !
—Tout cela est possible, effectivement, conclut Richard.
Puis il enchaîna tout de go sur la question suivante pour empêcher un temps de réflexion à son interlocuteur.
—Qu’avez-vous fait entre 15 et 17 heures, monsieur Vermeulen ? Vous n’avez tout de même pas passé tout ce temps au Carrefour de Saint-Pol ?
—Non... je l’avoue ! C’est peut-être bête ce que je vais vous dire, mais j’en ai profité pour essayer la Porsche sur l’autoroute. C’était la première fois que je la conduisais. J’avais envie de frimer. Je n’ai pas les moyens de me payer un tel engin. Il était 16h20 quand je suis arrivé à l’hypermarché.
—Et bien sûr pas de témoin avança Justine.
Il y eut un léger temps d’arrêt. Richard se gratta le front, fidèle à son habitude, pour chercher ses mots et réfléchir. Justine se leva de son siège et brisa le silence.
—Qui nous prouve que durant ce laps de temps, au lieu de « frimer », comme vous dites, avec la Porsche de votre ami, vous n’êtes pas allé à l’appartement des Leroy pour tuer Éva ? Elle était dans un état second à cause de la boisson et vous lui avez injecté un poison à l’aide de la seringue que nous avons trouvée. Et elle s’est endormie tranquillement...
—Non lieutenante, jamais je....
Richard, sans perdre une seconde, reprit la course folle de l’interrogatoire.
—Vous avez même voulu l’empoisonner au cyanure ! Pourquoi ne l’avez-vous pas simplement intoxiquée ?
—C’est absurde ! J’aimais trop Éva pour lui faire du mal...
La voix brisée de David trahissait sa peine et son désespoir. Il faiblissait.
—Je l’ai fait assez souffrir avec sa déprime... La balle rebondit dans le camp de Justine :
—Que voulez-vous dire par là monsieur Vermeulen ? Devant ce chassé-croisé qui le rendait fou, David craqua.
—De toute façon, il est trop tard maintenant... Pourquoi cacherais-je encore ma relation avec elle ?
David lâcha ses mots et ses pleurs.
—L’histoire remonte au mois d’avril, à une fête d’anniversaire au Club House. Nous nous sommes laissé envahir par nos sentiments et nous avons terminé la nuit ensemble.
—C’est donc à cause de vous qu’elle serait devenue dépressive ? Lui demanda Justine.
—Non ! Avec Yorick, à Paris toute la semaine, nous avions le temps de nous voir régulièrement. Et puis c’était facile. Elle venait au tennis et nous restions dans mon studio au-dessus du restaurant. C’était très rare quand elle venait à mon domicile de Dunkerque. La peur « du qu'en-dira-t-on ! » et que Yorick l’apprenne. Rien qu’au Club House, il fallait être vigilant en public pour ne pas éveiller les soupçons. Surtout quand les connaissances de Yorick étaient présentes.
Pas le temps de respirer, pas le temps de réfléchir, pas le temps de calculer, que Richard Magnac lançait déjà sa première conclusion :
—Donc vous avez rompu !
—Oui... c’était le 24 juillet, chez moi. J’ai annoncé à Éva que notre petit jeu était trop dangereux et que Yorick ne me pardonnerait jamais cette trahison. Je lui ai dit qu’il fallait mettre un terme à notre relation. Au départ, elle était fâchée, pensant que je la plaquais pour une autre, mais quand elle a compris que c’était uniquement par amour, son comportement a radicalement changé. Elle m’en voulait de ne pas avoir déclaré ma flamme avant son mariage avec Yorick. Elle s’est mise à en vouloir à Yorick de l’avoir épousée.
Justine compatissait. Elle comprenait l’émotion émanant des paroles de David Vermeulen. Le commissaire aussi d’ailleurs et il lui fit comprendre en perdant sa contenance. L’heure était venue d’abréger le supplice.
—Encore une question, s’écria Richard en lui montrant une photo de Petra Keller, prise seule à la sortie de la brasserie « le Milord », pendant la filature, connaissez-vous cette personne ?
—Oui, je l’ai vue début juillet dans mon restaurant, en compagnie de mon caviste. Elle était venue proposer sa nouvelle gamme de vins. Elle s’est présentée comme la directrice de Petravins, une certaine Petra, euh... je ne sais plus comment...
—Petra Keller, elle se nomme Petra Keller ! Était-elle accompagnée d’autres personnes ?
—Non seulement de mon caviste mais je lui ai présenté Yorick, qui était au Club ce jour-là. Il venait de terminer son match de tennis et je lui ai dit qu’il ratait une superbe dégustation de vins alsaciens.
—Avait-il l’air de la connaître ?
—Non, pas du tout ! Il l’a détaillée du pied à la tête tout comme je l’ai fait lorsqu’on me la présentée. C’est une superbe femme que l’on ne peut ignorer. Mais quel rapport avec Yorick, commissaire ?
—Dois-je vous faire un dessin ? Rétorqua Richard.
—Vous n’allez pas me dire que... non ? Vous plaisantez ! C’est une...
—Bon! Monsieur Vermeulen, ce sera tout pour l’instant mais étant donné les circonstances, nous sommes obligés de vous placer en garde à vue. Si vous voulez bien suivre la lieutenante Devos !
―En garde à vue !!! Commissaire, je vous en prie, pas ça ! Je vous jure que je n’ai pas tué Éva, hurla-t-il en quittant le bureau.
Richard interpella l’inspecteur Martin à l’instant où il passait devant le bureau. Il désirait avoir des nouvelles concernant les autres éléments de l’enquête.
—J’ai contacté le médecin qui était venu voir Éva lundi dernier, à son appartement, confia ce dernier. Il avait diagnostiqué une embolie pulmonaire qui nécessitait une hospitalisation. Devant le refus de sa patiente et de Yorick, il lui a fait une prise de sang et il est revenu lui administrer une injection d’héparine deux heures plus tard. Il lui avait prescrit des anti-vitamines K, autrement dit du Sintrom, avec une dose de 4 mg, en attendant les résultats sanguins, mais nous n’avons retrouvé aucune trace de ce médicament dans l’appartement mercredi.
—Tout cela est très intéressant inspecteur ! Autre chose ?
—Le toubib m’a affirmé que Yorick Leroy est sorti de l’appartement en même temps que lui pour aller à la pharmacie.
—Mais il ne s’y est pas rendu ! Il a juste fait semblant.
—J’ai vérifié bien sûr ! Le pharmacien m’a certifié n’avoir pas délivré ce médicament. Ni au nom d’Éva Lambert, ni au nom de Yorick Leroy.
—Et ce salopard a abandonné sa femme malade et est reparti à Paris dans l’après-midi jusqu’au mercredi, ajouta Magnac. Peut-être même, est-il revenu à l’appartement entre- temps ?
—Vous voulez que je vérifie si quelqu’un de l’immeuble l’a aperçu ?
—Oui, merci inspecteur, allez-y !
Justine, qui venait de raccrocher le téléphone, apostropha son commissaire qui sortait du bureau avec Pierre Martin. Son large sourire témoignait de la joie qu’elle venait de ressentir à l’annonce d’une information.
—Je viens d’avoir le directeur de la Banque Populaire ; Yorick Leroy n’avait pas de rendez-vous chez eux !
Richard se gratifiait intérieurement de toujours avoir raison et se frottait le torse de satisfaction.
—Le contraire m’aurait étonné, quoique dans tous ces mensonges, je ne m’étonne plus de rien !
—Alors, trépigna Justine d’impatience, on l’interpelle cette fois ? Je demande une commission rogatoire pour le placer en garde à vue ?
—Ouiiiii ! Et sa belle rousse aussi lieutenante !
(à suivre : le chapitre 18 sera publié demain vers 14 heures)
Les auteurs
Roger Constantin et Krystel à gauche.
A droite Clair Pirotton épouse de Roger ou de Christian, c'est selon...
L'improbable alliance de deux auteurs que rien ne réunissait au départ sauf cet incroyable challenge d'écrire un polar.
Roger Constantin vit au sud de Liège dans les Ardennes belges et son premier roman aborde le domaine sentimental aux dimensions fantastiques.
Krystel habite Dunkerque et écrit des romans historiques, passionnée par la vie de Louis XIV.
Ensemble, ils ont relevé le défi.
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